Tel le gigantesque trou noir d’une superproduction hollywoodienne qui aspire tout ce qui l’entoure, les marchés boursiers continuent d’engloutir l’argent traînant sur les lignes de touche. Les actifs risqués du monde entier sont allés de l’avant en juillet, à croire que les investisseurs faisaient fi ou se riaient de l’éventualité d’une baisse. Mais toute bonne chose a une fin, et cette époque semble toucher à la sienne.
La remontée a été spectaculaire. Depuis avril, alors qu’il était au plus bas, le S&P 500 a augmenté de plus de 30 % et se situe une fois de plus à des sommets record. Cette année, dont plusieurs n’attendaient que des rendements médiocres, affiche désormais une croissance à deux chiffres.
De ce fait, nombre d’investisseurs se croient assez forts pour flirter avec le risque. Après tout, comme les marchés n’ont jamais été aussi hauts, chaque fléchissement devient une occasion d’acheter. Il n’y a pas de meilleur exemple d’exubérance que celui des actions-mèmes. Elles sont entrées dans la danse à la fin de juillet, provoquant une liquidation forcée de positions courtes grâce à laquelle le cours de plusieurs de ces actions s’est envolé de plus de 25 % sans raison particulière.
Il s’agit là de drapeaux rouges. Il suffit de repenser à des phases d’excès comparables pour comprendre que les circonstances ne se prêtent pas à la complaisance. Ajoutons de plus à tout ceci le fait que la prochaine page du calendrier s’ouvre sur la saison la plus difficile sur les marchés. Être sur la défensive semble donc tout indiqué.
Les marchés ont dû composer avec beaucoup de soucis cette année. Les tarifs douaniers ont fait monter le degré d’incertitude dans un contexte où les bénéfices n’allaient déjà pas de soi. Au terme de plusieurs années d’excellente performance pendant lesquelles les valorisations ont grimpé très haut, nous croyons qu’il serait désormais nécessaire que les bénéfices augmentent si le marché doit poursuivre sa croissance.
Les données préliminaires quant aux résultats financiers du deuxième trimestre sont ambiguës. Les dépenses faites en IA par les très grands fournisseurs de services infonuagiques continuent de propulser encore plus haut les entreprises qui y sont associées. Il est aussi encourageant que les chiffres publiés par les grandes banques soient bons, bien qu’ils résultent de l’activité du marché des capitaux. Tandis que le segment de la consommation reste préoccupant, l’incertitude économique commence à se faire sentir et des zones de faiblesse se profilent à l’horizon.
Le marché obligataire continue d’envoyer des signaux invitant à la prudence. Les taux de rendement des obligations japonaises ont atteint une hauteur inégalée depuis de nombreuses années, ce qui a fait grimper les taux d’autres nations. En revanche, en Suisse, les taux de rendement sont redevenus négatifs suivant un mouvement de retour vers la sécurité. Aux États-Unis, le président de la Fed, Jerome Powell, continue de subir des pressions politiques pour réduire les taux, tandis que l’inflation et l’incertitude restent élevées.
Tout ça avec en toile de fond la question des tarifs douaniers. En amont de la date butoir décrétée par le président Trump lui-même, plusieurs pays et régions ont réussi à passer des accords avec les États-Unis, mais le dommage était fait. Des partenariats de longue date ont été déchirés, et bien que des ententes aient été conclues, qui s’étonnerait d’apprendre qu’elles devront être renégociées? Ce n’est pas un contexte idéal pour la planification à long terme.
Face à ces préoccupations et aux marchés qui fracassent des records, le moment est mal choisi pour jouer aux héros. Les marchés sont étirés à l’extrême et pourraient bientôt être mûrs pour une correction. Des clignotants rouges s’allument et, selon nous, on ne devrait pas les ignorer. Il se présentera certes toujours une occasion de-ci de-là, mais le marché global paraît désormais risqué et doit être abordé avec circonspection.
Greg Taylor, CFA
5 août 2025