Il y a des décennies où rien ne se passe et puis des semaines où des décennies s’écoulent. C’est l’effet que nous a donné le mois de juin. Chaque jour apportait son lot de nouvelles manchettes, toutes plus extrêmes les unes que les autres. Et pourtant, remarquablement, les marchés boursiers ont poursuivi sur leur élan haussier entamé depuis les creux d’avril pour terminer leur course semestrielle à un niveau record. Ils ont essentiellement « escaladé un mur d’inquiétudes » et cette détermination malgré le contexte négatif a été impressionnante à voir.
Le paysage demeure toutefois empreint d’incertitude, miné par une ribambelle de risques divers. Une guerre commerciale entre les plus grands partenaires au monde perturbe les chaînes d’approvisionnement mondiales. La plus grande guerre sur terre en Europe depuis la Deuxième Guerre mondiale se poursuit, sans offrir aucune lumière au bout du tunnel. Et la guerre par procuration au Moyen-Orient entre l’Iran et Israël a commencé, avec la participation des États-Unis, du moins pendant quelques heures. Or, rien de tout ceci n’a coupé l’appétit des investisseurs qui ont continué d’injecter des liquidités dans le marché.
Lorsque le président Trump a été réélu en novembre dernier, les investisseurs se sont réjouis de ce dénouement et ont entraîné les marchés à la hausse pour finir l’année 2024 en beauté. Le premier mandat du président Trump, même s’il n’a pas été sans chaos, s’est dans l’ensemble révélé positif sur le plan de la création des richesses, le président ayant privilégié la croissance au détriment des conflits. Bon nombre s’attendaient à un scénario similaire lors de ce deuxième mandat. Et pourtant, c’est sur une note bien différente que celui-ci a débuté. Presque immédiatement, les droits de douane ont été imposés aux ennemis comme aux alliés, les ententes commerciales ont été mises au rancart et les équipes de direction partout ont annulé les dépenses en capital jusqu’à ce qu’elles soient en mesure de mieux saisir la nature du contexte d’exploitation. Il est bien connu que les marchés détestent l’incertitude, ce que nous avons maintenant en quantité record.
La capacité à éviter un recul des bénéfices figurait parmi les craintes dès le début de l’année. Après plusieurs années de marchés bien portants, les valorisations sont fortement étirées. Or, pour que les marchés puissent continuer à croître, les bénéfices doivent absolument augmenter. Les droits de douane et l’incertitude commerciale ont eu l’effet d’un éteignoir à cet égard tandis que les sociétés annonçaient leurs résultats pour le T1. Il semblerait cependant que ces craintes initiales se soient dissipées. De même, le consommateur semble s’être résigné aux prix plus élevés et a repris ses activités normales. Cela a permis aux entreprises de relancer les dépenses en capital et les plans de croissance qui avaient été mis en veille. L’activité des sociétés a repris de plus belle, ce qui a occasionné plusieurs PAPES et acquisitions. Il s’agit là d’issues positives et une des principales raisons pour laquelle les banques et les principaux joueurs financiers mènent la charge récemment.
Mais que nous réserve le deuxième semestre? Il y a tout d’abord le risque que la dernière montée boursière a déjà envisagé toutes les bonnes nouvelles auxquelles nous pouvions nous attendre. Considérant le niveau actuel des marchés, les prix tiennent déjà compte de la croissance des bénéfices. On s’attend également à ce que les guerres commerciales prennent fin sous peu, une multitude d’ententes devant être conclues pendant la saison estivale. En outre, les marchés s’attendent à ce que le président Trump tienne sa promesse visant à réduire les impôts et à relâcher la réglementation gouvernementale afin de créer un contexte favorable aux affaires. Il s’agirait de bons scénarios, mais peuvent-ils tous se produire?
C’est probablement le marché obligataire qui offrira le meilleur signal. Cette année aurait dû être caractérisée par des réductions de taux; or, nous attendons encore la première diminution du FOMC. Les taux de rendement obligataires sont demeurés plus élevés que prévu, l’inflation n’ayant pas ralenti autant qu’anticipé. Les enchères obligataires et le refinancement des dettes occuperont une place centrale cet été, tout comme le risque croissant que le président Trump tente de forcer une réduction de taux ou de saper le pouvoir de M. Powell, le président de la Réserve fédérale.
Au Canada, on a l’impression de vivre une remise à neuf complète. Est parti le gouvernement qui semblait déterminé à étouffer la croissance; il a fait place à un nouveau gouvernement bien décidé à changer complètement de cap. Cette réalité a attiré l’attention du reste du monde : le dollar canadien a bien commencé la course et l’optimisme quant à la croissance future s’est mis de la partie. La construction des infrastructures semble être un thème qui pourrait perdurer pendant un certain temps. L’indice S&P/TSX a connu un bon début d’année, prenant les devants sur les marchés nord-américains pour la première fois depuis quelque temps.
Toutefois, le moment n’est pas à la complaisance. Les marchés estivaux sont risqués : d’étranges choses se produisent lorsque les volumes sont à la baisse. Soulignons par ailleurs que, même si les marchés ont touché des sommets historiques, l’actif défensif par excellence, soit l’or, demeure un des actifs les plus performants cette année. Il est vrai qu’une hausse de 25 % par rapport aux creux causés par le « Jour de la Libération » permet à tout le monde de se sentir un peu mieux à l’approche des vacances d’été. Mais comme pour tous les voyages en auto, il est important de veiller à ce que la voiture ne manque pas de carburant (pour remporter des gains à l’avenir) et je ne serais pas surpris si le voyant d’avertissement commençait à signaler qu’une pause est imminente.
Greg Taylor, CFA
2 juillet 2025