Et que faire maintenant?
Après avoir enregistré des creux imposants en avril, les marchés ont orchestré une remontée marquée en mai pour dégager un rendement mensuel parmi les plus élevés sur plusieurs années, remportant ainsi la palme du meilleur mois de mai en un siècle. La panique qui s’était installée chez les investisseurs il y a quelques semaines en raison des droits de douane et des guerres commerciales semble déjà ancienne; elle a cédé le pas à un mini marché COMA (crainte obsessionnelle de manquer l’appel) où bon nombre des personnes qui avaient liquidé leurs avoirs ont tenté par tous les moyens de revenir au jeu et faire la chasse aux rendements. Cette situation mène rarement à une issue positive, mais le marché boursier recommence à faire ce qu’il a toujours fait, entraînant dans son sillage un grand nombre d’investisseurs sur la mauvaise voie.
Une grande partie de l’année jusqu’à présent a été la scène d’une rotation sectorielle notable. Après plusieurs années de domination par les actions des mégaentreprises technologiques américaines, les tendances se sont inversées pour laisser les marchés internationaux et cycliques mener la charge. En mai toutefois, le marché a encore changé son fusil d’épaule et a privilégié les actions technologiques, celles qui avaient été les plus durement touchées pendant la liquidation d’avril. Il est plutôt rare de voir les actions de grandes entreprises comme NVIDIA Corporation (NVDA) et Tesla Inc. (TSLA) s’élever à plus de 20 % en l’espace d’un mois, mais c’est bien ce qui s’est produit.
Donc, après cette reprise, les marchés se sont essentiellement retrouvés au point de départ, avant la panique semée par les tarifs. Plusieurs en profiteront sûrement pour recommencer à zéro (ou du moins, se prévaloir d’un mulligan). Notons cependant que c’est souvent là que les choses se compliquent, puisqu’il est difficile de savoir quoi faire ensuite.
Les problèmes reliés aux bénéfices, à la politique et au marché obligataire sont des éléments qui rebutent certains investisseurs, ces derniers refusant de se laisser emporter par la vague boursière. Jusqu’à ce que ces problèmes soient résolus, plusieurs choisiront d’attendre patiemment sur la ligne de touche. L’apparition, à cet égard, de quelques bourgeons dans plusieurs domaines donne quand même espoir.
En effet, sur le plan des bénéfices, les rapports du T1 sont maintenant tous sortis et bien que la plupart des équipes de direction aient fait preuve de prudence dans leurs perspectives – à juste titre –, les résultats n’étaient pas aussi catastrophiques que certains ne l’avaient craint. Voilà un élément positif, même si l’incertitude commerciale continue d’assombrir le tableau du deuxième semestre. Après quelques années de bons rendements boursiers, les valorisations sont tendues; les bénéfices se devront donc d’être faramineux.
Sur le front géopolitique, il est possible d’envisager quelques possibilités, comme que certains à Washington réussiront à convaincre Trump que les tarifs douaniers sont exagérés et qu’un retour à une position plus favorable envers le marché serait bénéfique (c’est loin d’être une certitude, mais la situation s’améliore un peu). Un ton plus conciliant ici serait bienvenu, mais après le début échevelé du deuxième mandat du président Trump, il faudra du temps avant que la confiance ne revienne, et avec elle la stabilité et la prévisibilité.
Comme toujours, le marché obligataire sera celui qui dictera la cadence et la marche à suivre du côté des actions. Cette année aurait dû être caractérisée par des réductions de taux d’intérêt et une baisse des taux de rendement, mais ça n’a pas été le cas jusqu’à présent. L’inflation résiste et les inquiétudes envers la situation budgétaire des États-Unis rendent les investisseurs nerveux. Ce faisant, les taux de rendement risquent de demeurer plus élevés plus longtemps, une issue négative pour les valorisations.
Si la confiance envers les bénéfices ou la politique était plus grande, l’argent pourrait se rediriger dans les obligations aux dépens des marges et faire baisser les taux de rendement, ce qui donnerait un bon coup de pouce aux actions.
Ce ne sont pas seulement les comptes au détail qui accusent une accumulation de liquidités en marge, ce sont également les entreprises. Lorsque le marché s’est redressé en novembre dernier après les élections, c’est parce qu’il envisageait une suppression de la réglementation et une vague d’acquisitions encouragées par la nouvelle administration. Mais devant l’incertitude qui a plané en début d’année, ce regain d’activité a été escamoté, sans toutefois complètement disparaître. Peut-être ce scénario se produira-t-il au deuxième semestre au fur et à mesure que les équipes de direction reprennent confiance? Plus de certitude à Ottawa devrait également nous donner un coup de main ici au nord de la frontière et soulager quelque peu le S&P/TSX.
En ce contexte pour le moins embrouillé et après une reprise aussi marquée, il est difficile de prévoir ce que l’avenir à court terme nous réserve. S’agit-il de l’année où « vendre en mai et partir » fonctionne? Cette stratégie n’a pas marché ces dernières années, mais c’est la question qui se pose ce printemps. Après un joli rebondissement comme celui de mai, tous devraient se sentir un peu mieux. Les mémoires sont toutefois longues et le potentiel de volatilité demeure bien présent. Bien qu’il ait été vraisemblablement trop tôt pour vendre en avril, le débat à savoir si les positions doivent être réduites de manière opportune maintenant s’appuie sur des arguments un peu plus équilibrés.
Greg Taylor, CFA
5 juin 2025